"C'est perturbant tellement c'est bien fait" : grâce à l'IA, ce duo franco-américain s'est offert un featuring avec Jay-Z... sans Jay-Z

Il aura suffi d'un titre d'un peu moins de trois minutes pour mettre l'industrie musicale en PLS aux quatre coins du monde. Le duo AllttA, formé par le rappeur américain Mr J.Medeiros et l'artiste français 20syl - passé notamment par les groupes cultes C2C et Hocus Pocus - a dévoilé un morceau baptisé Savages le 31 mars dernier. Une belle réussite si l'on en juge les premiers chiffres, puisque le titre cumule plus de 200.000 vues en seulement six jours sur YouTube. L'histoire pourrait s'arrêter là, mais elle est tout autre. La chanson est devenue source de controverses et cristallise les débats, autant pour les professionnels du milieu que pour les auditeurs.

À l'écoute de la track, qui évoque un rap nostalgique avec une instrumentale digne des années 1990 tout droit venue de Big Apple, on peut aisément reconnaître la voix de Jay-Z. Featuring secret ? Couplet volé ? Imitation quasi-parfaite ? Autant d'hypothèses qui viennent alors immédiatement à l'esprit tant la ressemblance est frappante avec la voix de la légende du rap new-yorkais, qui est régulièrement un meme sur les réseaux sociaux. Tâchons de raisonner logiquement.

Une telle collaboration semble impossible vu que AllttA n'a pas communiqué dessus et que quelques mots de celui que l'on surnomme "Hova" doivent valoir une sacré liasse de billets, et pas ceux de 1$ - il n'est pas devenu le premier rappeur milliardaire pour rien. Ce serait donc une stratégie peu rentable et par conséquent peu probable. La séquence audio peut-elle avoir été volée ? Est-ce une chute de studio ? Le risque serait trop grand et il est bien difficile de tricher à l'ère du numérique, même si le fait que le titre ne soit publié que sur YouTube et pas sur les plateformes de streaming puisse mettre la puce à l'oreille. Serait-ce alors un spécialiste qui a mimé quasiment à l'identique Jay-Z ? Cette option semblait être la plus probable, jusqu'à ce que l'on se penche sur la légende de la vidéo en question.

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On peut y découvrir la mention "Imagine that..." ainsi que divers hashtags parmi lesquels ceux qui vont lever le voile sur ce mystère : "#notjayz #notonalbum #aimusic #ai #experiment". En effet, ces derniers indices permettent de comprendre que cette voix de Jay-Z - qui n'est donc pas celle de Jay-Z - a été rendue possible par une intelligence artificielle. De quoi expliquer cette réplique aussi vraie que nature.

Mais cette expérimentation, pour le moins réussie, a particulièrement déconcerté. À commencer par Young Guru, l'ingénieur du son historique de l'interprète de Hard Knock Life, qui a tenu à prendre la parole à ce sujet dans un post Instagram. "Je sais bien qu'on ne peut pas arrêter la technologie. Une fois que le génie est sorti de sa lampe, impossible de le remettre à l'intérieur, mais d'un autre côté, nous devons protéger les droits de l'artiste. (...) On ne devrait pas pouvoir prendre notre nom, notre image et nous ressembler sans permission", a-t-il ainsi écrit.

Les internautes sont forcément eux aussi paumés. Dans les commentaires, on peut par exemple lire "C'est perturbant tellement c'est bien fait" ou encore "Je pense que cette piste pourrait être le point de basculement qui réveille les gens et qui montre à quel point l'IA est devenue puissante au cours des dernières semaines".

Dans une interview accordée à nos confrères du journal Le Parisien, les deux membres du duo AllttA ont tenu à expliquer leur démarche. "C'est une question tout à fait légitime et qu'on rejoint totalement. Ce sont des questions auxquelles on est sensibles et avec lesquelles on est d'accord, il y a danger", réagit ainsi 20syl. "Je pense que la conversation qui s'est créée autour (du morceau) est vraiment intéressante", explique quant à lui Mr J.Medeiros. C'est lui qui a interprété les passages avec la voix en question, avant qu'elle ne soit modifiée pour mimer celle du rappeur de 53 ans. "Je chante en tant que Jay-Z et avec ma voix à moi", résume-t-il.

Il faut dire que cette innovation révolutionnaire et effrayante, bien qu'elle s'inscrive dans une certaine logique des évolutions technologiques qui ont impacté le monde de la musique depuis toujours, ouvre de nombreuses portes et soulèvent bien des questions. Quid des droits musicaux ? Quid de la réappropriation de certaines oeuvres artistiques ? Quid des divers modèles économiques ? Quid de l'art des featuring ? Autant d'interrogations qui restent, pour l'instant, sans réponse.