À force de voir Will, Dustin, Mike et Lucas lancer des dés et nommer chaque monstre à partir d'un bestiaire Donjons & Dragons, on pourrait croire que Stranger Things a été conçu comme une gigantesque lettre d'amour au jeu de rôle culte. Et pourtant, les créateurs de la série, Matt et Ross Duffer, n'ont jamais prétendu être des maîtres du donjon.
Dans une interview donnée en 2016 à Den of Geek, ils expliquaient même qu'ils avaient bien essayé D&D lorsqu'ils étaient plus jeunes, mais que ce n'était clairement pas leur terrain de jeu favori. Ils le disent sans détour :
"Oui, en fait, nous n'y avons pas vraiment joué. Pour être tout à fait honnête, nous étions beaucoup plus intéressés par Magic : The Gathering. C'était vraiment notre addiction. Nous avons joué un peu à Donjons, je suppose, mais évidemment, Magic n'existait pas encore en 1983".
Autrement dit : oui, ils connaissaient Donjons & Dragons, oui, ils y ont joué un peu… mais leur vraie passion, la seule qui les rendait vraiment "accro", c'était Magic : The Gathering. Pas exactement ce à quoi on s'attend de la part des créateurs d'une série qui a réhabilité le JDR dans la pop culture moderne.
Et c'est là que le paradoxe devient savoureux : Magic n'existait même pas en 1983, l'année où démarre Stranger Things. Impossible donc de faire jouer la bande Hawkins à leur jeu préféré dans la série, même s'ils en auraient probablement rêvé à l'époque.
Les frères Duffer sont nés en 1984. Ils n'ont pas vécu les années 80 comme les personnages de Stranger Things, mais comme des adolescents des années 90 fascinés par les films, les VHS et les récits de cette décennie mythifiée.
Dans leurs interviews, ils expliquent souvent que leurs souvenirs 80’ ne viennent pas vraiment de la vraie vie, mais des œuvres qu'ils dévoraient : Spielberg, Stephen King, Carpenter, les jeux de rôle, les cassettes enregistrées, et toute la culture nostalgique qui les a nourris.
Cette distance crée un mélange très particulier :
- un univers visuel et musical profondément ancré dans les années 80,
- une histoire raconté avec la sensibilité d'enfants ayant grandi juste après, dans un monde où Magic : The Gathering et la culture geek moderne prenaient une ampleur inédite.
C'est sans doute ce décalage assumé qui donne à Stranger Things son identité et sa puissance émotionnelle : un fantasme des années 80 recréé par ceux qui ne les ont pas réellement vécues, mais qui auraient adoré y être.
Alors que la saison 5 marque la fin de Stranger Things, les frères Duffer ont plusieurs fois confié qu’ils étaient prêts à quitter Hawkins pour raconter d'autres histoires. Mais avant de tirer un trait définitif sur leur univers culte, ils lui ont offert une conclusion ambitieuse, totalement fidèle à ce mélange unique de nostalgie, de monstres, de références ciné… et de jeux qui n'existaient pas toujours vraiment à l'époque où la série est censée se dérouler.
Reste une dernière question, celle que tout Netflix attend : l'épisode final dépassera-t-il toutes les attentes, ou deviendra-t-il l'une des rarissimes fins à diviser les fans ?
Réponse le 31 décembre.
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