
À 56 ans, Clovis Cornillac, qui a conquis la France entière avec Un P'tit truc en plus (plus de 10 millions de spectateurs en salles), continue de tracer une voie originale. Loin des clichés de la course à la fame internationale, il affirme avoir pris en mains sa carrière en toute conscience. Cette maîtrise s'est manifestée par une décision qui, pour beaucoup, semble impensable voire folle : refuser de bosser avec des réalisateurs du calibre de Steven Spielberg et Quentin Tarantino.
La première allusion à ce recalage date de février dernier, lors de son passage dans l'émission Legend. Sans révéler le titre du film de Spielberg, l'acteur avait déjà posé les bases de sa réflexion :
"Je savais très bien que je n'allais pas faire le film, que j'allais dire non. J'ai refusé car on te bloque 6 mois pour 3 phrases. Ils ne savent pas trop la date. J'ai 2 scènes, qu'est-ce que je m'en fous d'aller travailler avec Spielberg alors que je dois défendre un film en France".
En clair, le ratio opportunité manquée versus coût réel en temps et en énergie n'en valait pas la peine. Quitte à se priver d'une belle ligne dans sa filmographie.
Il y a quelques jours, lors de la promo de Vacances forcées sur Europe 1, il a enfin balancé l'identité de ces projets "déclinés". Il l'a confirmé sans pincettes : "J'ai dit non à Spielberg ou Tarantino, j'ai eu des propositions de grands réalisateurs américains". Une révélation qui, au-delà de l'anecdote, lâche au passage une sévère du fonctionnement des "coproductions" hollywoodiennes avec les talents étrangers.
Clovis Cornillac déconstruit le mythe du "rêve américain" pour les acteurs étrangers : "Tout le monde s'agite alors qu'ils te proposent un rôle de merde. Il y a une sorte de 'chic-itude' à se dire : Je tourne avec Spielberg. Mais tu sais très bien comment ça marche".
Pour lui, le processus est quasi systématisé : "En gros, tu fais partie des acteurs référencés français, ils vont tourner une co-production ou un truc comme ça en France. Donc, ils vont chercher des noms un peu connus pour t'offrir un rôle qui est franchement sans intérêt".
Cette franchise rare expose la réalité souvent décevante des rôles secondaires offerts aux acteurs non-anglophones, souvent réduits à de simples figurations pour des raisons administratives ou de distribution internationale, plutôt qu'à une véritable intégration artistique.
Les films en question ? Des titres qui font rêver : pour Spielberg, c'était Munich ; pour Tarantino, Inglourious Basterds (spécifiquement, le rôle du "méchant au début") ; et il y a eu aussi une proposition pour Da Vinci Code.
Des productions majeures, où d'autres acteurs français, comme Mathieu Amalric, Yvan Attal, ou Mathieu Kassovitz dans Munich, ont eu des rôles plus substantiels. De même, Denis Ménochet a su faire du rôle du fermier dans la scène d'ouverture d'Inglourious Basterds un moment culte, propulsant sa carrière internationale.
Cet exemple souligne que le volume d'un rôle n'est pas toujours synonyme d'impact, mais Clovis Cornillac insiste sur la notion de "sans intérêt".

La décision de Clovis Cornillac n'est pas un délire d'ego gratuit mais ressemble plutôt à un besoin de cohérence. "Un rôle que je refuserais en France, pourquoi je l'accepterais parce que c'est américain ? Je me disais que ce n'était pas sain", explique-t-il.
Cette phrase est la clé de sa démarche : une éthique pro qui refuse de faire des compromis sur la qualité du rôle, quelle que soit la renommée du réalisateur ou l'ampleur de la production.
Il ajoute, avec une certaine humilité : "Ce n'est pas de la prétention, il s'agit juste d'être cohérent. Ce n'est pas vraiment courageux car personne ne le sait sur le moment et je n'ai pas manqué au film".
Contrairement à d'autres, Clovis Cornillac ne semble avoir aucun regret. Une position à l'opposé, par exemple, de Tomer Sisley, qui a partagé des remords concernant son refus de jouer dans James Bond : Skyfall. "C'est une connerie parce que c'était, pour moi, le meilleur James Bond", avait admis l'acteur dans Quelle époque en juin 2024. Ces deux cas illustrent les dilemmes auxquels peuvent être confrontés les acteurs et la diversité des chemins possibles dans une carrière internationale.
Le succès fou d'Un P'tit truc en plus l'an dernier et sa filmographie longue comme trois bras prouvent que Clovis Cornillac n'a pas besoin d'Hollywood pour cartonner et qu'il a probablement bien fait de savoir dire non.


